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Anne Bourrel, auteur La Manufacture de livres

(2003, aéroport d'Alger)

27 Juillet 2007 , Rédigé par anne bourrel écrivain pop Publié dans #ecrivainpop

Un jour, j’ai perdu mon nom…et depuis, je m’appelle Ibrahim. J’ai choisi ce nom pour moi-même : Ibrahim ! Ça laisse songeur…on dirait un nom-fleur.

 

 

Je suis Ibrahim des couloirs vides de l’aéroport. Je suis vieux. Les couloirs sont jaunes.

 

 

J’ai vu des hommes avec des barbes et des djellabas, courir armes au poing. Ils criaient « Allah, Allah Akbar » mais ils avaient les sourcils froncés et la bouche mauvaise.

 

Mon Allah, n’est pas le même, le mien me dit : Ibrahim, marche dans les couloirs de l’aéroport, Ibrahim, paix en ton cœur !

 

 

Ibrahim ! Ibrahim ! Souffle le vent dans l’aéroport d’Alger, Ibrahim, tu es bien plus que toi-même, homme né de la souffrance des hommes ! Ibrahim, ton destin te pèse !

 

 

Un jour encore, j’étais dans les toilettes de l’aéroport et j’ai regardé dans le miroir.

 

 

J’ai vu mon visage et j’ai compris qu’il ne m’appartenait pas.    

 

 

J’ai vu au-delà de mon visage, tous les visages de la vie et j’ai compris le fil ininterrompu du temps.

 

 

Et puis, un jour, un homme armé m’a tiré dessus. Cet homme ressemblait à un rhinocéros, un gros type bien nourri de l’armée de chez nous. Al-djezira ! Al-djezira, je suis mort dans les couloirs jaunes de l’aéroport !

 

 

Libre de toutes les vies, demain, peut-être, je renaîtrai dans un pays apaisé, avec une histoire d’homme simple et amoureux ! Quand on a connu le pire, on a droit au meilleur, n’est-ce pas ?

 

 

Ou bien, je resterai mort, mort et sans matière, et je me contenterai de cette éternité blanche, dans l’éther lumineux.

publié dans le magzine littéraire de "Autour des auteurs", cf lien à gauche de la page

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